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L’autorisation de diffusion de la chaîne Numéro 23 suspendue

Jeudi 15 octobre 2015 à 12:30.

C’est une décision inédite dans l’histoire de l’audiovisuel français : le Conseil supérieur de l’audiovisuel a décidé mercredi 14 octobre « d’abroger l’autorisation de diffusion accordée le 3 juillet 2012 » à la chaîne télévisée Numéro 23.

 

L’autorité a décidé de frapper fort dans un dossier très sensible, celui de la revente de la chaîne à NextRadioTV, rapidement devenue symbolique pour certains d’une « spéculation » sur les canaux de télévision. En effet, cette chaîne de la « diversité des origines et des modes de vie » avait, lors de l’appel d’offres pour créer six nouvelles chaînes de la TNT, obtenu sa fréquence gratuitement, comme c’est toujours le cas en télévision.

La décision du CSA ne prendra toutefois effet que le 30 juin 2016 : l’autorité veut éviter un écran noir pour les téléspectateurs. De plus, ce délai « permet aussi à la société Diversité TV de renoncer aux conditions du pacte d’actionnaires et de la cession qui ont conduit le conseil à retirer l’autorisation », suggère le CSA. En attendant, la décision suspend de facto la vente de la chaîne, cédée au début d’avril pour 88,3 millions d’euros.

Numéro 23 garde une petite porte ouverte : elle pourrait renoncer à la vente et reprendre son exploitation, quitte à éventuellement envisager une cession plus tard, pourquoi pas avec NextRadioTV, qui continuera à suivre le dossier.

Toutefois, le coup d’arrêt est brutal : la veille, les intéressés n’envisageaient pas une telle décision. Celle-ci ne respecterait pas le droit et serait disproportionnée, pensaient en privé l’actionnaire principal de Numéro 23, Pascal Houzelot (également membre du conseil de surveillance du Monde), et NextRadioTV.

« Un abus de droit entaché de fraude »

Le 23 juin, le CSA avait ouvert une procédure de sanction envers Diversité TV en raison d’une modification de son pacte d’actionnaires survenue en 2013 pour permettre l’entrée de la société russe UTH. « Cette opération a été dissimulée au Conseil malgré plusieurs relances de sa part, le pacte n’ayant été finalement reçu que le 25 mai 2015 », observe le CSA.

Le conseil a la conviction que les conditions de ce pacte d’actionnaires anticipaient sur une « cession rapide » de la chaîne. Or, en 2012, Diversité TV s’était engagée au moins jusqu’en 2019. En outre, « la société n’a que très partiellement rempli les objectifs affirmés lors de sa candidature ; elle a ainsi fait l’objet de plusieurs rappels, mises en garde et mises en demeure. »

Pour le CSA, les 88,3 millions d’euros promis par NextRadioTV reposent, « à titre principal, sur la valeur de l’autorisation qui lui a été donnée ». Son actionnaire principal, Pascal Houzelot, aurait ainsi « dès mai 2013 (…) cherché avant tout à valoriser à son profit l’autorisation obtenue »« Le Conseil a considéré qu’une telle démarche était constitutive d’un abus de droit entaché de fraude », ajoute le communiqué du CSA. Il est interdit de revendre une chaîne moins de deux ans et demi après son autorisation.

Alain Weill regrette une décision « plus morale que juridique »

« C’est une décision plus morale que juridique. Or, c’est le droit qui doit primer », a regretté Alain Weill, PDG de NextRadioTV, joint par Le Monde. Le propriétaire de BFM-TV et de RMC n’a pas encore pris de décision, mais il est fort probable que la sanction du CSA soit attaquée devant le Conseil d’Etat.

« Je ne suis pas surpris, car on sentait que le CSA voulait vraiment sanctionner Pascal Houzelot », a commenté M. Weill. « C’est une petite victoire pour les acteurs historiques qui ne veulent pas que les nouveaux entrants prennent de l’importance dans le secteur », a-t-il ajouté, sous-entendant que M6 ou TF1 avaient été hostiles à la vente.

« Je trouve que nous avons un vrai problème de régulation : les décisions sont beaucoup trop longues et paralysent les entreprises », a encore regretté le patron de NextRadioTV, également en attente du choix du CSA dans le dossier de la chaîne d’information LCI, un rival potentiel de sa chaîne BFM-TV.

Un très long feuilleton politique

De fait, la procédure « Numéro 23 » a été un long feuilleton, lancé à l’annonce de la cession de la chaîne, au début d’avril. Le dossier est instantanément devenu politique : pour des élus et des observateurs, il symbolisait l’abus du bien public que sont les fréquences, attribuées gratuitement, contrairement à celles du secteur des télécommunications, vendues aux enchères.

Le dossier a été très riche en rebondissements : le CSA a longuement mené ses travaux pour déterminer s’il agréait la vente, en réalisant notamment une étude d’impact. Mais il a aussi demandé une instruction spéciale — puis un complément d’instruction — sur la question de l’actionnariat et notamment sur l’arrivée de l’investisseur russe à hauteur de 15 %.

Le dossier a suscité un débat juridique : sur la question de l’actionnariat, le rapporteur mandaté par le CSA, issu du Conseil d’Etat, avait conclu qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner, le pacte était considéré comme une mesure classique de protection d’un actionnaire minoritaire.

La décision du CSA rappelle l’ambiance très froide de la dernière audition de Pascal Houzelot, mardi 13 octobre : le propriétaire de la chaîne a été entendu par les huit conseillers du CSA, qui n’ont pas cherché à cacher dans cet entretien public une certaine hostilité à la transaction.

L’un ironisait sur la forte présence à l’antenne d’émissions de téléréalité consacrées au tatouage, un choix jugé hors sujet par rapport à l’objet de la chaîne, consacrée à la diversité des origines et des modes de vie. Une autre conseillère demandait à M. Houzelot s’il « rendrait la fréquence » en cas de refus d’agrément de la vente par le CSA. Diversité TV avait obtenu cette autorisation de diffusion en 2012, lors de l’attribution de fréquences en haute définition par le CSA.

Par le passé, plusieurs acteurs ont pu céder au prix fort des chaînes fraîchement attribuées par le CSA. Vincent Bolloré a ainsi cédé ses chaînes Direct 8 et Direct Star au groupe Canal+. La seconde, alors sous le nom de Virgin 17, avait été cédée à Bolloré par le groupe Lagardère. TF1 a également racheté NT1 et TMC à AB Production. La décision du 14 octobre montre que le CSA entend désormais mieux encadrer ces pratiques.

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